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Retour live sur... Kevin Morby + Night Shop

Par Mélissa A.

SAM. 08 FÉV.
Reportages Publié le 13/02/2020

L'Hell'vangéliste du folk rock

La soirée affiche complet et pour cause, le public averti s'est donné le mot pour apprécier le nouveau génie du genre : Kevin Morby. Tout droit venu du Missouri, Kevin fait ses classes à New-York en tant que bassiste au sein de Woods puis avec son groupe The Babies avant de se lancer en solo en 2013. Depuis, Kevin Morby a aussi créé un label sur lequel il a signé Night Shop, assurant la 1ère partie.


Night Shop - 20h30

Seul avec sa belle Taylor acoustique remontée jusqu'au coude, Night Shop ouvre une soirée spirituelle avec Heaven. Sous ce pseudonyme se cache Justin Sullivan, fidèle partisan des fûts dans diverses formations, notamment au sein des Woods aux côtés de Kevin Morby. C'est d'ailleurs sous un trait d'humour qu'il explique dans un français bancal "je suis content d'être ici, vous connaissez Kevin Morby ? Moi un peu". Pendant 45 minutes, Night Shop nous emmène le long des routes ensoleillées ou près d'un feu de bois avec sa voix suave et posée. Il alterne indie folk légère, et rock plus profond avec des accords de blues comme sur l’excellente "Carnival Ride" ou des envolées électriques sur "Where Does Everyone Goes". Aidé d'une pédale loop, Justin assure un tapping décomplexé qui permet un relief scénique des plus agréable. Seul et si complet à la fois, Night Shop s’émancipe en solo avec timidité mais audace. Les titres sont entêtants, la salle, réceptive, applaudira cette délicate performance. Avec un premier album et une tournée aux côtés de Kevin Morby, sans toucher à la batterie qui l’a longtemps éclipsé, l’homme de l’ombre s’affirme et montre ses talents de songwriter avec humilité.


Kevin Morby - 21h15

Le prolifique génie aux 5 albums en 7 ans présente sur scène son nouvel opus concept Oh My God. Ode aux questionnements d'ordre supérieur, Kevin Morby n'en a pas moins délaissé le double sens. Tout de blanc vêtu dans un costume digne des prêcheurs de Wedding Chapel, on peut y apercevoir quelques broderies rouges et dorées alambiquées représentant la panoplie du tout puissant : mains serrées, queue du diable serpentée, flammes, étoiles avec dans le dos, un énorme "Oh my God". Comme toute messe qui se respecte, le silence est d'or, et c'est donc seul au piano que Kevin Morby déclare ouverte la longue traversée en quête de communion musicale. On ne va pas se mentir, le public est en majorité féminin (suffit d'observer la queue aux toilettes femmes VS hommes) et certaines sont en extase avant même la fin du 1er titre avec comme commentaires "j'ai le feu qui monte" ou encore "je ne réponds plus de rien". La scène est ornée de roses blanches et rouges attachées aux micros, comme s'il fallait satisfaire tout ce petit monde à l'ombre d'un parterre d'admirateurs déjà dans l'extase. Qu'importe, Kevin Morby hypnotise l'insistance en faisant la part belle aux compositions dans leur jus le plus pur. Après cette entrée de crooner, Kevin Morby délivre une première partie de set en guitare-voix. Lui aussi se joue du tapping, loop et d'excitation de riffs maîtrisés laissant en suspend le public dans une bulle contemplative et sereine.

L'homme est d'une tranquillité déconcertante, déroulant ses compositions toutes aussi belles les unes que les autres et instantanément adoptées. Elles frôlent la pop, la country, le blues et enrobent un folk planant. Les paroles sont poignantes et chantées d'une voix traînante mais qui ne sombre pas dans la mélancolie. Le timbre est grave mais équilibré avec une pointe de légèreté, ce qui contraste avec l'allure de gueule d'ange aux bottines de cow-boy.

À plusieurs reprises, Il fixe les premiers rangs, s'autorise de légers moments de folie, saute d'avant en arrière sans jamais froisser son beau costume. Le jeune trentenaire accentue la dichotomie environnante et entame la seconde partie du set de façon plus énergétique. On salue ainsi le retour de Justin Sullivan à la batterie, baguette main gauche, balais main droite, frôlant les peaux d'un côté et les frappant de l'autre. Le duo cultive l'antinomie mais le rendu est d'une grande harmonie. Les titres glissent mais l'émotion se ressent sur "Beautiful Strangers", hommage aux victimes des armes à feu et notamment du Bataclan "Pray for Paris, They can not scare us, Or stop the music, If I die too young, or the gunmen come, I'm full of love, So release me, every piece of me, up above". Le public l'accompagne volontiers dans le refrain, avant que ce dernier ne coupe les micros, la guitare, la batterie, pour ne finir qu'avec des clappements de main. Kevin partage son enthousiasme, et s'autorise une blague (si je l'avais faite on l'aurait trouvée nulle mais bon...comme c'est Kevin qui nous la sort, je ne dis rien) "c'est cool de faire un tour à Tours". Sachant qu'après sa tournée française il s'envolera pour l'Australie puis sa terre natale, c'était le moment ou jamais de la sortir !

Le final sera explosif, avec un ruissellement de riffs saccadés accompagnés de flash lumineux ininterrompus avant de couper le son de façon abrupt. Le silence après le chaos pour mieux l'apprécier, ou le silence avant le chaos pour mieux l'oublier ? Il distribue quelques roses puis s'éclipse rapidement, mais le public ne s'y trompe pas, ça ne peut pas se terminer ainsi. Il lui faudra un 2e rappel et le titre Congratulations pour clôturer la soirée comme à son arrivée : a cappella.

Certains accords pourraient rappeler "Come As You Are" de Nirvana ou "Proud Mary" des Creedence Clearwater Revival, le tout avec une pincée de Lou Reed. C'est ça en fait Kevin Morby, une patte singulière avec une grosse envie de reviens-y. 

Oh My God, c'était diaboliquement et sobrement, envoûtant !