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Reportage live : Bror Gunnar Jansson + Elefent

par Mélissa A.

Reportages Publié le 20/11/2019

Un Elefent ça trompe énormément

Originaire de Tours et seul sur scène, à l’instar d’un certain Bror Gunnar Jansson pour qui il ouvre la soirée, Elefent propose un folk traditionnel et bien agréable. Assis sur une chaise revêtue d’un drap indoue et pieds-nus, Elefent explore différents horizons. Bien que les 1er et 3e titres instrumentaux annonçaient un set lisse et aérien, Elefent (Olivier Arena) a su entrainer le public dans ses compositions rythmées, aux nombreuses influences. S’amusant à brouiller les pistes ne le stigmatisant pas dans la seule case du gentil folk-blues man, Elefent rappelle des sonorités hawaïennes, ibériennes ou purement US. Son atout majeur bien qu’il maitrise sa guitare posée à plat sur ses genoux, est sa voix. Elle se prête parfaitement à ce style musical. Eraillée, légèrement poussive et grave, l’ensemble forme une harmonie agréable à l’écoute. Le set ira crescendo jusqu’au final, hommage à Bror, avec la reprise de son titre Mercy, digne d’un épisode de fin de Sons of Anarchy avec la voix rappelant celle de White Buffalo. Assurer une 1ère partie n’est jamais simple. Elefent a pris le défi bras le corps et a su timidement conquérir la salle.


Du blues d'outre-tombe à faire trembler les morts

Bror Gunnar Jansson est en tournée pour présenter son dernier album au titre évocateur qui ne déroge pas à son univers : They found my body in a bag.

Le suédois a depuis 2012, dépassé les frontières de la simple niche des connaisseurs pour inonder les ondes de ses riffs glacials aux paroles macabres d'histoires de tueurs en série. Connu et reconnu pour être un homme à tout faire et à bien faire, cette tournée signe un retour scénique en trio, et mettant de côté le one-man band qui avait fait sa réputation. Accompagné du batteur Nils Petter Lindmark et du bassiste Stefan Bellnäs, Bror Gunnar Jansson n'en n'a pour autant rien perdu de sa superbe. Visage blafard, costume rappelant la Louisiane des années 20, cheveux gominés, l'artiste reste inchangé depuis ses débuts et incarne son personnage à la perfection. 

Le set commencera à 20h45 sur Norrland avec un léger problème de micro avant d’enchaîner sur les tubes du second album Moan Shake Moan et Ain't No Grave. Le public est plutôt extatique, plongé dans une atmosphère plombante cisaillée par des sons calibrés au couteau. Les riffs de blues résonnent comme une messe pour prêcheurs à Crossroad où les morts viennent pactiser avec le diable. Le batteur est d'une précision incroyable, très nerveux mais sans déborder dans le surfait inutile. Le bassiste quant à lui, figé dans les 70's, sorte d'Uli Jon Roth sauce Ikea, mène sa petite barque sans vague mais avec un sens aigu de la perfection. La voix de Bror est magnifique, grave et inquiétante, plaquée sur les accords de guitare qui tombent sans accroc pour au final un ensemble minimaliste au résultat salutaire. 

Le set permet de balayer les 4 albums du compositeur et de se rendre compte de l'évolution allant d'un blues pur, vers des horizons Stoner et Rock. Cette évolution ne pouvait se faire sans interprétation scénique en trio, expliquant certainement ce changement majeur. Cependant, Bror fera un cadeau aux fans de la première heure, en interprétant 4 titres comme à ses débuts, en one-man band, posé seul derrière une petite batterie, sans chaussure, guitare sur les genoux et micro. Les chansons mettent en valeur le second album relatant l'histoire de William, fil conducteur de plusieurs titres de l'artiste. Mais là encore, l'évolution est palpable car en 2015, c'était sa housse de guitare qui faisait office de batterie. Le public est conquis et en redemande, Bror, toujours aussi timide et humble manque de tout faire tomber avant de repartir debout en leader charismatique au regard froid, menaçant, rictus de lèvre à la Billy Idol et mèche rebelle. 

Le grand moment du set arrivera après ce passage, avec un titre instrumental de plus de 9 minutes où le batteur au saumon tatoué sur l'avant-bras explosera sa nervosité jusqu'ici maîtrisée, cul hors du fauteuil, gestuelle frénétique et baguettes tenues à l'envers dans la fougue du moment, derrière un Bror Gunnar Jansson à genou.

On peut cependant reprocher le temps de latence entre chaque titre, extirpant la salle de l'atmosphère pourtant si particulière et indénouable de l'œuvre de Bror. S'il reste impassible, Bror se permettra quelques petites remarques rigolotes face aux soucis de réglages de matériel, notamment lorsque son bassiste doit prendre le relais pour régler les sorties micros de Bror coincé derrière sa batterie. Il prendra le temps de répondre au public qui s'initie au Suédois en lançant un "Tack" (merci). Ceux qui le connaissent d'avant ce nouvel album regretteront certainement le choix d'une setlist laissant le champ libre à des sonorités planantes et titres expérimentaux, mais l'artiste évolue et c'est ainsi.

Seuls regrets, l'accueil dans la petite salle du Temps Machine pour un artiste de cette trempe, et l'oubli de l'excellente The Church Bells' Tone qui aurait pu clôturer la soirée sans équivoque sur la performance du soir.

Fan des Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Charley Patton ou les Staple Singers, Bror Gunnar Jansson reste figé dans les années 20, mais dépoussière ainsi le genre en lui apportant une touche de modernité sans le dénaturer. Artiste torturé aux textes sombres d'histoires de meurtres ou de légendes, Bror n'en reste pas moins accessible hors de la scène, souriant et disponible pour échanger avec qui voudra bien l'approcher. 

Ce retour était attendu, et il confirme ce qu'on attendait tous : William is back !